Petite histoire de la courtepointe au Québec, par Solange Hudon

XVIe et XVIIe siècle

 Elle arrive au Québec avec les colons français. Elles sont essentiellement utilitaires et de confection rudimentaire : un morceau pour le dessus et le dessous et entredoublée de coton, ouate ou laine et nouée. Les tissus utilisés proviennent de la « mère-patrie »

 XVIIIe siècle (les années 1700)

Début de la fabrication de tissus domestiques : étoffe du pays (laine grise) toile de lin, de chanvre, transformés en vêtements. Les restes, découpés en différentes formes,  sont utilisés pour fabriquer des courtepointes. C’est le début de la courtepointe à assemblage. Ce changement coIncide avec le début du Régime anglais et l’arrivée, dans le sud du pays, des Loyalistes fuyant la révolution américaine. La fabrication de la courtepointe québécoise sera grandement influencée par les techniques et les motifs de la tradition anglaise et américaine. La courtepointe va retrouver peu à peu un rôle d’apparat par l’utilisation de tissus luxueux tel : le satin et le taffetas.

 XIXe siècle (les années 1800)

Toujours très populaires au Québec, son évolution sera influencée par deux avancées industrielles:

L’ouverture des premières manufactures de coton à Montréal à partir de 1840. La production de ces usines va supplanter le travail manuel dans la fabrication des tissus. Il devenait moins long et coûteux d’acheter des tissus tout faits que de les produire à la maison ou à la ferme. Comme les couleurs des imprimés manufacturés sont plus éclatantes que les couleurs végétales utilisées pour les tissus de fabrication domestique. On voit apparaître des courtepointes aux couleurs vives. C’est l’époque des grands appliqués fait avec du tissu neuf, souvent rouge sur fond blanc. La courtepointe va devenir un véritable objet d’apparat.

La deuxième innovation est l’arrivée de la machine à coudre domestique. C’est en 1851, que Isaac Merrit Singer obtint le brevet de la première machine à coudre domestique. Une première usine Singer ouvre ses portes à Montréal en 1882. Cette machine de plus en plus accessible va révolutionner l’assemblage des pièces de la courtepointe, alors que le piquage se fait toujours à la main. Le travail à la machine est précis et solide sans rien enlever à la beauté de l’ouvrage. Beaucoup d’artisanes vont l’adopter.

À partir des années 1900-1920, l’art de la courtepointe connaît de nouveaux bouleversements. D’abord, la mise à la disposition des artisanes de patrons commerciaux. Auparavant les modèles se transmettaient de mère en fille, de voisine à voisine, faisant parfois la notoriété d’une région. Les modèles s’échangeaient à la faveur d’une rencontre, d’un courrier reçu de la ville. La diffusion de modèles dans des revues et des périodiques va se répandre au début du XXe siècle. On peut les commander par la poste pour un prix minime. Copiés par un grand nombre d’artisanes, celles-ci auront moins recours à leur imagination pour créer de nouveaux motifs. Pendant les années de crise économique, la récupération de tissus demeure la règle : vêtements usagés, poches de sucre, de farine ou de céréales pour l’endos, et même le fil de coton qui ferme l’extrémité des sacs estconservé, puis teint avant de devenir du fil à broder.

Le deuxième événement de cette période est l’arrivée sur le marché de couvertures de fabrication industrielle, aussi chaudes et souvent moins chères que le produit artisanal, ce qui contribue à poursuivre la détérioration du rôle utilitaire de la courtepointe. Ces nouveaux produits, largement répandus après la guerre ‘39-45, représentent le monde moderne par rapport à la vie rurale qui a caractérisé jusqu’alors la société québécoise. La courtepointe associée à la société traditionnelle, sera reléguée aux oubliettes. Si ce n’avait été des Cercles de fermières et de plusieurs de nos grands-mères, l’art de la courtepointe n’aurait pas survécu.

 XXe (les années 1900)

Qu’en est-il de la courtepointe depuis le milieu du XXe siècle? Au même titre, que plusieurs autres activités artisanales, remises au goût du jour au cours des années ’70 : poterie, macramé, dentelle, crochet… la courtepointe est devenue une affaire de création, pour occuper ses loisirs ou tout simplement pour le plaisir du travail à la main. Débuté au Etats-Unis dans les années 60 cette mode va sortir les anciennes courtepointes des greniers. Le Musée des Beaux-Arts du Québec va lui consacrer une exposition itinérante en 1977. En 1988, sera fondée l’Association Courtepointe Québec Quilts (CQQ).

 Le mouvement contemporain

 L’histoire de la courtepointe ne s’arrête pas à cet engouement pour une occupation de loisir à la fois décorative, thérapeutique, historique et conviviale. Une tendance émerge qui considère la courtepointe comme un objet d’art, une forme d’expression artistique nouvelle qui s’exprime à travers les panneaux muraux : couleurs plus vives, matériaux utilisés plus diversifiés, construction plus libre. Présente aux Etats-Unis et en Europe, cette tendance est en émergence au Québec.

Solanges Hudon, courtepointière
Juillet 2017

 Références :

Courtepointes québécoises, Ministère des Affaires culturelles, Musée du Québec, 1977.

La couverture de lit du Québec ancien, Robert-Lionel Séguin, Musée régional de Vaudreuil-Soulanges, catalogue d’exposition, (n.d.)

La courtepointe québécoise : création ou emprunt? Marie Durand, Université Laval, Revue de la culture matérielle, Vol.34,  Automne 1991.